Ile Monsin

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La forteresse "Ile Monsin"

Emile COENEN

INTRODUCTION

Au XVIIIe siècle, en descendant le cours de la Meuse qui serpente à travers la bonne ville de Liège, on peut admirer des paysages merveilleux et rencontrer de véritables "jardins d'Eden". A la sortie de la ville, les campagnes de Jupille et de Wandre sont traversées par deux cours d'eau : la Meuse et la Naye. Cette dernière se fraye ainsi un chemin dans les marécages de Marexhe, traverse Herstal et se jette dans le fleuve à Wandre. Ces deux cours d'eau isolent donc une surface de terre imposante qui porte le nom d'Ile MONSIN. C'est à cet endroit que de nombreux retraités auraient voulu, jadis, terminer paisiblement leurs jours.

De tous temps, l'homme a tenté de préserver cet endroit enchanteur. Mais la Meuse, fleuve capricieux et tourmenté, est un véritable cauchemar pour les bateliers qui transportent chaque jour marchandises et matériaux vers le nord du pays.

Aussi, dès 1846, creuse-t-on un canal reliant Liège à Maastricht afin de permettre une navigation plus aisée et plus sûre. Ce fut là le premier bouleversement que subit notre île.

Malgré ce canal, l'Ile Monsin garde son ambiance particulière. La culture y est active et des troupeaux de moutons y paissent. Les bourgeois y construisent de belles villas et plus particulièrement le long des berges du canal récemment édifié.

Des auberges, des cabarets et des guinguettes attirent les ouvriers qui viennent sur l'île pour se détendre après leur journée de travail. Les citadins empruntent souvent le dimanche ses petits chemins pour y découvrir la faune et la flore qui leur font défaut en ville.

Mais laissons ce paradis du siècle passé. Si vous voulez en savoir plus, je ne puis que vous conseiller de lire le magnifique ouvrage de Pierre Barré : "Hertal en cartes postales". En effet, personne n'a su mieux que lui décrire l'atmosphère et l'ambiance sur l'île à cette époque.

La quiétude de l'île est encore troublée en 1888. Les habitants voient de nombreuses dragues extraire le sable et le gravier du lit de la Meuse. Des centaines d'ouvriers commencent la construction de voies de chemin de fer "Decauville", installent d'énormes entrepôts, et, au pied de Vivegnis, construisent un plan incliné qui rejoint les hauteurs de Pontisse.

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L'activité devient de plus en plus importante sur le canal où des chalands amènent des quantités énormes de ciment et de matériaux divers. Tout ce remue-ménage va durer trois longues années. Laissés d'abord dans l'ignorance, les résidants apprennent finalement que l'on construit douze forts modernes autour de Liège, et notamment sur les hauteurs de Barchon et de Pontisse.

Le calme revenu, les ouvriers sont remplacés par des promeneurs et quelquefois par les arbalétriers de Herstal, ou par des hommes du 2e Lanciers effectuant des manoeuvres. Un peu plus tard, ce seront les Allemands qui feront les mêmes exercices et qui, eux aussi, se promèneront pendant quelques années sur notre île.

La paix enfin revenue en 1918, l'î1e retrouve son ambiance paradisiaque, qui ne subsistera plus que quelques années. En effet, peu après la première guerre mondiale, la Belgique décide, pour diverses raisons de réorganiser l'ensemble fortificatif de son territoire. Par ailleurs, le 24 avril 1928, elle prend la décision de construire un canal reliant directement les villes de Liège et d'Anvers.

LES PREMIERS TRAVAUX

La décision de refortifier le pays va faire coûler beaucoup d'encre et passionner les opinions wallonne et flamande durant des années. Ces diverses opinions seront malheureusement utilisées politiquement et les autorités militaires devront se résigner à des solutions de compromis.

Une commission chargée, en 1927, d'étudier un système fortifié pour la Belgique, décide d'adopter le système des Régions Fortifiées Permanentes. Liège en fait partie car elle est un centre industriel d'une importance capitale. De plus, elle représente également la porte d'entrée de la Moyenne Belgique. Bien fortifiée, en profitant du double barrage de la Meuse et du futur canal, Liège préservera, en cas d'invasion, son industrie, et obligera l'ennemi à passer par la Hollande.

Dès lors, on préconise de créer, tout le long de la Meuse et du canal, une position permanente défensive et de relever les anciennes fortifications de la ville.

Bien que la décision officielle de construire un canal direct reliant Liège à Maastricht soit prise en 1928, les habitants de l'île savent, depuis 1927, qu'ils sont tous expropriés : un véritable drame ! Le creusement de ce canal représente un travail gigantesque et va provoquer un bouleversement complet de certaines régions. Au centre de Liège, on reconstruit de nouveaux ponts et, à Coronmeuse, où se situe l'entrée de l'ancien canal, on édifie un pont et un petit port.

Le début du nouveau canal se situe à hauteur de Marexhe. L'ancien canal (Liège-Maastricht) est comblé jusqu'à Wandre, à partir d'où le nouveau canal suit le trajet de l'ancien, mais celui-ci est fortement élargi.

La courbe de la Meuse entre Jupille et Wandre est complètement remaniée. Sur l'île, trois darses doivent être aménagées pour servir de port industriel.

Un pont-barrage et un bief d'alimentation pour une centrale hydro-électrique seront édifiés sur le fleuve.

Un réseau complet de chemin de fer, une gare de formation et deux ponts-rails desserviront l'île.

Une écluse verra le jour à hauteur de Milsaucy afin de relier le canal à la Meuse.

Des entrepôts, des bureaux et un réseau routier compléteront l'infrastructure du futur port industriel de Monsin. Le 31 mai 1930, le Roi Albert actionne la pelle à vapeur qui arrache la première motte de terre du canal qui portera son nom : c'est l'ouverture solennelle des travaux du canal Albert.

Après l'exode de la population, ce sont les pelles mécaniques qui envahissent l'île et qui commencent à extraire les quelque deux millions de mètres cubes de terre que représentent les travaux d'aménagement.

Les premières piles du pont-barrage s'élèvent lentement, la superstructure soudée du pont Marexhe est en cours et on procède au boisage des murs de quai : ce qui n'est pas rien puisque l'île comporte jusque deux kilomètres de quais utilisables. Le cours de la Meuse est rectifié et l'écluse de Milsaucy est commencée. Toute l'île est bien sûr bouleversée. Le plan ci-dessous montre bien l'ampleur des travaux.

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Travaux projetés sur l'Ile Monsin (traits pleins : ancien tracé, traits interrompus : nouveau tracé)

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Pont Marexhe

Les trois darses projetées

Tracé du nouveau canal

Ecluse de Milsaucy

Pont Milsaucy

Nouveau pont de Wandre

Pont-rails

Meuse rectifiée

Pont-rails

Pont-barrage

LES AVANT-PROJETS MILITAIRES

Afin de créer cette position défensive permanente, on réutilise donc certains anciens forts "Brialmont" autour de Liège et on construit des abris dans leurs intervalles.

D'autres abris, placés sur les axes principaux menant à la Meuse, devront empêcher la prise des ponts. De Jupille jusque Seraing, la commission estime qu'il suffira de profiter du rétablissement ou de la construction d'ouvrages d'art sur la Meuse et le canal Albert pour prévoir, dans les culées de la rive gauche des dispositifs flanquant le plan d'eau pouvant abriter des sections de mitrailleuses

De Jupille jusqu'à l'enclave de Maastricht, en aval, cette commission estime que la position de la Meuse doit être puissamment organisée, dès le temps de paix, et principalement devant les trouées les plus dangereuses. Dès la reconstruction des ponts de Liège, on établit donc des plans pour l'aménagement d'abris dans les culées de la rive gauche et on projette de fortifier l'Ile Monsin.

Cette première étude est réalisée en 1928. La défense projetée de l'î1e consiste à aménager dans les culées des ponts Marexhe. Milsaucy (abri D) et de Wandre (abri E), situées sur la rive gauche du canal, des abris devant flanquer le plan d'eau. Afin de couvrir la Meuse, il est prévu le même type d'abri dans le pont-barrage.

Mais notre île, une fois définitivement aménagée, représentera 80 hectares de terrain à défendre et, de plus, elle offrira la possibilité de créer deux lignes de défense grâce au fleuve et au canal. De ce fait, une nouvelle étude est réalisée en 1931 et il en ressort la création de deux nouveaux abris.

Le premier sera situé au début de l'île, au futur emplacement du polygone de pontage qui sera construit pour l'armée.

Le second sera aménagé dans la culée de la rive gauche du pont-rails projeté en aval du pont-barrage.

Il est bien évident que, même avec l'appoint de ces deux nouveaux abris, il demeure d'énormes surfaces non défendues.

En 1934, une nouvelle étude, réalisée par la 3e Direction du Génie et des Fortifications (3e D.Gn.F.), se basant sur les études précédentes, ajoute un abri à 4 mitrailleuses (Mi) et une cloche pour fusil-mitrailleur (FM), repris sous la lettre A sur le plan ci-dessous, et qui sera situé dans la courbe de la Meuse.

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Plan de feux prévu en 1934

Un abri B, situé sur la bande de terre qui sépare le canal et le fleuve à hauteur de Milsaucy, sera armé de 2 Mi.

Un troisième, l'abri C, comprendra 4 Mi et une cloche FM. Il sera édifié en aval du pont de Wandre sur les berges du fleuve.

De plus, le pont de Wandre comportera un abri supplémentaire pour protéger le plan d'eau de la Meuse.

Cette étude détermine également que les abris auront des parois du même type que celles des abris de P.F.L. 2, à savoir des parois de 1,30 m d'épaisseur en béton armé, qui sont prévues pour résister aux projectiles de 210 mm. Ce plan d'ensemble est estimé à 510.000 francs de l'époque (actuellement, il convient de multiplier par 22).

Cet avant-projet est finalement accepté, mais pendant peu de temps car les budgets alloués ne sont pas ceux espérés.

Un nouveau plan est alors dressé, conservant le même nombre d'abris, mais réduisant l'armement de ceux-ci. Un plan de feux est réalisé et soumis à l'approbation des différents organismes chargés de la défense de l'île.

C'est également à cette époque que les abris vont être affectés d'indices caractérisant le fait qu'ils défendent la Meuse ou le canal. Pour la défense du fleuve, les abris prendront l'indice MeMo (pour Meuse-Monsin) et ceux prévus pour la défense du canal auront l'indice MeA (pour Meuse-Albert).

Durant cette période, les travaux d'aménagement de l'île vont bon train et certains abris sont déjà construits tandis que pour d'autres les travaux sont postposés. Voici un extrait du compte-rendu mensuel du 2 janvier 1935 sur l'étât des travaux de la P.F.L. reçu par la 3e D Gn F.

DEFENSE DE LA MEUSE

DEFENSE DU CANAL

abri de l'Ile Monsin

abri du pont-barrage

abri A

abri B

abri du pont de Ulandre

abri C

postposé (polygone)

construit

à l'étude

à l'étude

attendre construction du pont

à l'étude

abri pont Marexhe

abri A, B, C

abri D (Milsaucy)

abri E (pont de Wandre)

 

Construit

n'existe pas

à l'étude

postposé jusqu'à la construction du pont

 

Tout au long de cette année 1935, les types d'abris, leur armement, leur emplacement vont être constamment modifiés. Ces nouvelles études sont finalement sans grand intérêt. Nous examinerons donc chaque abri prévu ou réalisé, en détaillant les avant-projets essentiels.

LA DEFENSE DU CANAL ALBERT

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Les abris MeA qui font l'objet du présent chapitre

L'abri MeA 1 (voir photos)

L'abri MeA 1 est situé sur la rive gauche, dans la culée du pont Marexhe. Ce pont, d'une portée de 49,65 m, fut adjugé en décembre 1929 et fut le premier pont édifié sur le canal.

Le 30 avril 1930, les Ateliers du HAL procèdent au bétonnage des fondations des deux culées. Le lieutenant-général SIMONET, qui est à cette époque le directeur du Génie et des Fortifications, fait établir d'urgence les plans de l'abri prévu. Il comprend 4 chambres de tir, disposées deux par deux de chaque côté de la culée. Une galerie, d'une longueur de 15,70 m, relie les deux groupes de locaux. Cette gâterie comporte 3 goulottes lance-grenades et 5 fourneaux de mines aménagés dans le sol et obturés par des dalles métalliques.

Son occupation est inconfortable du fait de sa faible hauteur qui est de 1,55 m. Une issue de secours est créée à côté de la quatrième chambre de tir. Cette issue est obturée par un barrage de poutrelles et par un mur masquant maçonné au mortier léger.

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L'accès à cet abri est le plus curieux que je connaisse actuellement. En effet, les occupants doivent d'abord descendre dans une cheminée, située à quelque distance du pont, menant à un égoût construit par la ville de Liège et qui longe le canal. Une fois dans l'égoût, situé au niveau 56,35 m, les hommes embarquent à bord de petits bateaux mis à leur disposition et parcourent la distance qui les sépare de l'accès proprement dit de l'abri. Cet accès est d'abord un couloir, long de 7,40 m, placé perpendiculairement à l'égoût, muni d'une volée de marches rattrapant une dénivellation de 2 m. Au bout du couloir, un puits garni d'échelons permet d'atteindre la cote 62.40 m. Au débouché de ce puits, les hommes empruntent un nouveau couloir, d'une longueur de 9 m, qui se termine dans la première chambre de tir.

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Accès à l'abri MeA 1

Les chambres de tir sont équipées d'un affût "Chardome" et chaque embrasure est protégée par un volet métallique placé à l'extérieur. L'abri reçoit également l'équipement habituel, à savoir : étagères, crochets portemanteaux et porte fusils, tablette support pour charger les bandes de mitrailleuses, crochets porte lampe, etc.

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Plan de feux de l'abri MeA 1

Le rôle de l'abri Me A1 est de défendre le plan d'eau en direction de Coronmeuse. Il croise les feux avec "l'abri du pont. Il assure également le flanquement du plan d'eau vers l'abri MeA 1bis et une partie de l'île.

En janvier 1934, l'abri et le pont sont terminés et il ne reste plus qu'à effectuer l'exercice d'occupation de l'abri afin de déterminer les défauts et les changements éventuels à apporter.

Le pont Marexhe fait partie du réseau de destruction et, de ce fait, ses deux culées sont pourvues de fourneaux de mines; la superstructure du pont est également dotée de fourneaux de mines, obturés par des dalles de type "Elkington n° 1711C". Ce réseau de destruction de toute une série d'ouvrages d'art, dont on a commencé l'élaboration avant 1934, est prévu afin de ralentir la progression de l'ennemi. En 1935, ce réseau entre dans sa phase d'exécution, mais il est remanié en 1936.

Dans le projet définitif, les ponts de la Meuse et du canal Albert sont chargés, dès le temps de paix, par un dispositif de campagne. La mise en oeuvre de ces destructions est assurée par un bataillon du génie de Corps d'Armée (ici, le 23e Bataillon) et de Division d'Infanterie (ici, le 3e Bataillon), aux ordres du Commandant de la P.F.L..

Dès le début du chargement, les ponts furent gardés en permanence.

En 1938, les ponts étaient chargés par un dispositif permanent, mais avec une mise à feu électrique. Ceci aura de lourdes conséquences pour l'avenir. Il y aura tout d'abord la destruction prématurée des ponts du Val Benoît et d'Ougrée. Suite à cette catastrophe, les dispositifs seront changés et les consignes seront plus strictes, ce qui sera un des facteurs responsables de la non destruction des ponts de Vroenhoven et Veldwezelt.

Le pont Marexhe reçoit l'indicatif de destruction : Lg/R19 (Liège pont-route n° 19) et le 23e Bon Gn en "réussit" la destruction le 11 mai 1940.

L'abri Me A1bis (voir photo)

Ce n'est qu'en 1937 que la 3e D. Gn F. estime utile de construire un abri entre le pont Marexhe et le pont Milsaucy. En effet, toute cette partie du canal n'est pas défendue par le tir des mitrailleuses des abris de ces deux ponts : la distance les séparant est trop importante. On estime également qu'il est préférable de défendre les deux darses réalisées en 1935. La troisième darse n'est envisagée qu'en deuxième phase et ne sera finalement jamais réalisée.

On dresse alors les plans d'un abri, du type des voies navigables, à double flanc, chacun avec une embrasure, plus une embrasure frontale. Mais les restrictions budgétaires font qu'un second plan est établi, supprimant l'embrasure frontale.

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Avant-projet de l'abri Me A1bis (sans l'embrasure frontale)

Il s'ensuit alors une polémique entre les différents organismes chargés de la défense de l'île : faut-il oui ou non défendre les darses de l'île ? Au début de l'année 1938, les plans de l'abri sont dressés définitivement et celui-ci comprend une embrasure frontale.

Cet abri est encastré dans la berge du canal à hauteur de la seconde darse. Son entrée s'effectue par un puits, fermé par une dalle de type "Elkington" (voir photo) au fond duquel un caniveau permet l'évacuation des eaux de pluie. Au pied du puits, un système permettant l'accès à des tranchées et, ici, servant également d'issue de secours, est aménagé (sera représenté sur le plan de l'abri MeMo 4). Le sas d'entrée est fermé par une porte grille et une porte à persiennes. Une fois le sas franchi, on débouche dans la chambre de tir du F.M. frontal. Cette chambre comprend également une goulotte lance-grenades défendant le canal. A cette fin, la gaine est équipée, à l'extérieur, d'une muselière dont le rôle est d'empêcher la grenade de s'éloigner, et, dans ce cas-ci, de tomber dans l'eau, et donc de garantir son efficacité (voir photo).

Une seconde goulotte lance-grenades protège le puits d'accès.

De part et d'autre du local F.M., se situent les deux chambres de tir. Chaque chambre est équipée d'un affût "Chardome" pour tireur debout ainsi que des accessoires habituels.

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Plan de l'abri Me A1bis

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Puits d'accès, caniveau, échelons

Accès aux tranchées, issue de secours

Sas d'entrée, porte grille et à persiennes

Pieux Franki

Chambre de tir FM

Chambre de tir amont

Chambre de tir aval

La construction commence en février 1938. Afin de stabiliser la masse que va représenter l'abri, la société Pieux FRANKI pose 5 pieux, d'un diamètre de 35 cm. C'est l'entrepreneur Achille GREGOIRE, de Bruxelles, qui procède au bétonnage de l'abri en mars de la même année. Un inspecteur de la 3e D.Gn F. entreprend la vérification des axes des embrasures le 26 avril et il mentionne dans son rapport que ces axes devront être modifiés. Le 5 mai, ce même inspecteur fait décoffrer une partie de l'abri et ordonne à l'entrepreneur de remédier aux défauts constatés. Suite à cela, l'entrepreneur devra payer une forte amende.

Une partie du chemin de halage sur lequel l'abri se situe doit être surélevé et détourné afin de respecter les angles de tir.

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Coupe de l'abri Me A1bis

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Puits d'entrée

Accès aux tranchées

Caniveau

Sas d'entrée

Accès à la chambre de tir aval

Pieu Franki

Fers à béton

Les possibilités de tir de l'abri MeA 1bis sont : l'action sur le plan d'eau à l'amont des écluses de Milsaucy et croisement des feux de l'abri Me A2; la défense du chenal et du débouché de la darse sud et croisement des feux de l'abri Me A1. Le F.M. frontal doit protéger le chenal et la darse nord.

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Plan de feux de l'abri MeA 1bis

Il était prévu de relier l'abri au réseau téléphonique enterré et aérien, mais cela n'a pas été réalisé.

L'abri Me A2 (voir photos)

En réalité, ce sont deux abris, situés dans les piliers du pont Milsaucy, qui forment "l'abri Me A2. L'un a deux chambres de tir, l'autre n'en a qu'une.

Ce pont est établi à la pointe nord de l'île et comprend deux superstructures dans le prolongement l'une de l'autre. La première, d'une portée de 64,80 m, permet le franchissement du canal; quant à la seconde, d'une portée de 51 m, elle surplombe la voie d'eau éclusée reliant le canal au fleuve. Le pont Milsaucy fut réalisé par les "Anciens Etablissements Paul WURTH", de Luxembourg.

La 3e D. Gn F. prévoit de créer dans ce pont un abri repris sous la lettre D. Dans le relevé mensuel de l'état d'avancement des travaux de la P.F.L., en date du 1er mai 1935, on trouve sous la rubrique "Défense du canal" : abri D en cours. En effet, l'écluse et le pont de Milsaucy sont en voie d'achèvement.

A ce jour, je n'ai trouvé aucun document concernant cet abri que j'ai maintes fois visité. Je me contenterai donc de vous le décrire.

Les abris sont aménagés dans les deux piliers du pont qui sont situés sur la bande de terre séparant le canal de la voie d'eau menant à l'écluse.

Le premier pilier, d'une longueur de 19,55 m, comprend un abri à deux chambres de tir. Au centre de ce pilier, une entrée en sas est pratiquée dans la façade longeant le canal. Le sas est fermé par les deux portes habituelles.

Une fois ce sas franchi, un couloir, perpendiculaire à l'entrée, mène aux deux chambres de tir, placées de part et d'autre du pilier. Ce couloir, d'une longueur de 11 m, comprend une goulotte lance-grenades défendant l'accès.

Les deux chambres de tir sont dotées d'un affût "Chardome" et de l'équipement habituel. Elles comprennent également chacune une issue de secours et deux goulottes lance-grenades placées de chaque côté du local.

Les embrasures dégagent des angles de tir très importants car elles doivent couvrir une large bande de terrain. L'embrasure aval doit défendre la bande de terre et le plan d'eau en direction du pont de Wandre; sa largeur extérieure est de 1,10 m. L'embrasure amont assure la défense du canal et du bief de l'écluse en direction de l'abri MeA 1bis, dont elle croise les feux; sa largeur est de 1,40 m. Ces deux embrasures sont fermées par des volets métalliques.

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MeA 2 – Plan du premier abri du pont Milsaucy

Le second pilier, de mêmes dimensions que le premier, renferme l'autre abri dont l'entrée chicanée s'effectue par la bande de terre comprise entre les deux piliers. Le sas est fermé par les portes habituelles.

Il  ne comporte qu'une seule chambre de tir qui comprend l'équipement standard et deux goulottes lance-grenades aménagées de part et d'autre du local. Par contre, fait particulièrement inhabituel, l'abri ne possède pas d'issue de secours.

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MeA 2 – Plan du second abri du pont Milsaucy

L'embrasure de l'abri est la plus large que je connaisse et, il y a peu de temps, celle-ci possédait encore son volet : c'était le seul témoin de tous ceux qui devaient protéger les embrasures des divers abris (voir photo). Il était de dimensions importantes car il masquait une ouverture de 1,60 m x 0,55 m. Il avait la forme d'un L, dont le grand côté mesurait 1,70 m. Une tôle de 3 mm d'épaisseur, censée protéger des éclats et des balles, était fixée sur des cornières de 5 cm x 4 cm. On pouvait encore voir des traces de peinture de camouflage.

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Croquis du volet d'embrasure du second abri MeA 2

Le rôle de l'abri est de défendre l'écluse de Milsaucy et de croiser les feux de "l'abri MeA 1bis. Vu la proximité de l'écluse, l'abri doit avoir un champ de tir très large.

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Plan de feux des abris MeA 2 (ancien abri D)

La destruction du pont Milsaucy incombe au 3e Bon Gn et son indicatif est : Mon/R2. Les culées du pont sont chargées et cordées en permanence. Les superstructures sont chargées à l'alerte. Les accès aux fourneaux de mine des superstructures sont obturées par des dalles "Elkington" portant le n° de série 1711C.

Des échelons métalliques permettaient d'atteindre une petite passerelle, du même matériau, placée sous la superstructure du pont et qui conduisait aux fourneaux de mine.

Seule la partie du pont enjambant le canal sautera le 10 mai 1940, à 11 h 50. La destruction est parfaitement réussie et ce n'est qu'en juillet de la même année que le canal sera déblayé. Le tablier enjambant le bief de l'écluse n'ayant pas sauté, cela m'a permis de voir le système d'accès aux fourneaux de mine (voir photo).

A titre indicatif, le pont-rails nord de l'île est le seul témoin, encore existant, des ponts créés pour le canal de 2.000 tonnes, creusé à partir de 1929. Ce pont est du type "Vierendeel" et fut mis en service le 21 mai 1935. Il n'était pas prévu dans le réseau de destruction.

L'abri MeA 3 (voir photos)

En juin 1935, on commence la construction du nouveau pont de Wandre. Edifié de 1882 à 1884, l'ancien pont est appelé à disparaître suite au creusement du canal; il était situé à quelques mètres seulement en aval du nouveau et l'accès se faisait par l'avenue du Pont.

L'étude, réalisée par le D. Gn F. en 1933, prévoit déjà d'établir des abris dans les culées du nouveau pont. Ils y sont repris sous la lettre E.

Le nouveau pont comprend une première travée qui enjambe le canal tandis que la seconde, possédant trois superstructures, surplombe la Meuse. Il est du type "Vierendeel" et est long de plus ou moins 200 m. L'ensemble est réalisé par les "Usines de Braine-le-Comte" et les "Ateliers Cockerill" de Seraing.

Tandis que les travaux en usine avancent, la D.Gn F. réalise une série de plans différents d'abris pour, finalement, adopter le principe d'un abri aménagé dans la culée de la rive gauche du canal, repris sous la dénomination MeA 3, et d'un second, MeMo 6, qui sera détaillé dans le chapitre "Défense de la Meuse".

L'abri MeA 3 a pour mission d'assurer le flanquement du plan d'eau du canal vers l'amont et l'aval du pont de Wandre. Ses deux locaux de tir seront aménagés dans la culée de la rive gauche et de part et d'autre de celle-ci.

Le 11 septembre 1935, le projet définitif est envoyé au service des Ponts et Chaussées, qui réalisera l'abri pour le compte du département de la Défense Nationale.

L'entrée de l'abri pose cependant un problème car, si cette entrée se fait par le chemin de halage, elle expose les occupants aux coups de l'ennemi. L'entrée est finalement créée dans le mur de soutènement de la rue du Prince, rue située dans l'axe du nouveau pont. Une galerie est aménagée à une profondeur la garantissant des effets du projectile de 155 mm; elle joint les deux locaux de l'abri.

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Situation de l'abri MeA 3 (pont de Wandre)

A l'intérieur de la culée, un renforcement garantit une épaisseur de 1,30 m en front et 1,15 m en ciel aux locaux de tir. Les murs arrières des chambres de tir et les parois du couloir de raccordement ont une épaisseur de 0,80 m puisqu'ils profitent de la protection que leur confère la masse de la culée.

Les embrasures sont situées à 1 m au-dessus du chemin de hallage, ce qui leur permet d'agir sur les trois quarts de la largeur du canal.

Cet abri a coûté 130.000 francs de l'époque.

L'entrée de l'abri est en sas et est fermée par une porte grille. Une volée de marches permet de descendre au niveau de la galerie, à environ 8 m sous le niveau de la rue. Cette galerie, longue de 25 m, se termine par huit marches. On aboutit à un palier qui est fermé par la porte à persiennes. Une fois cette porte franchie, une seconde galerie, oblique à la première, mène aux deux locaux de tir. Le morceau de galerie accédant au local de gauche a une longueur de 4,50 m.

Cette chambre de tir renferme un affût "Chardome", l'équipement standard et une issue de secours.

Le couloir menant à la chambre de tir de droite mesure 9 m. Cette chambre est identique à la première mais n'a pas d'issue de secours.

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Plan de l'abri MeA 3

Lors de la construction de cet abri, on a dû rencontrer de nombreux problèmes d'infiltration d'eau et notamment dans le local aval, car celui-ci comporte, tout le long de la paroi gauche et de celle percée de l'embrasure, une gouttière en zinc et un tuyau d'évacuation en cuivre s'enfonçant dans le sol de l'abri. Qui plus est, le joint entre la paroi et la toiture est enduit d'une couche importante de bitume. D'ailleurs, la grande galerie d'accès est complètement noyée.

En janvier 1938, le Ministère des Travaux Publics et de la Résorption du Chômage projette de construire une série d'immeubles le long de la rue du Prince. Ces immeubles rendront impossible l'accès de l'abri MeA 3 car l'entrée actuelle débouchera dans la cave d'un de ceux-ci.

On envisage alors de construire une galerie bétonnée démarrant au débouché actuel et se prolongeant tout le long du mur de soutènement, pour finir au niveau de l'avenue du Pont.

Cette solution entraîne une augmentation du prix des terrains à exproprier par le Ministère des Travaux Publics et elle est alors rejetée.

Une seconde solution est envisagée. L'abri aura deux entrées : la première, utilisée en temps de paix, se fera par un puits, situé à côté de l'entrée actuelle, avec une galerie souterraine rejoignant la galerie existante. La deuxième entrée sera utilisée en temps de guerre et se fera par la cave d'un immeuble. De cette cave partira une galerie qui rejoindra le pied du puits créé et dont l'accès sera obturé par un parement de briques fixé par du mortier pauvre.

Ce plan fut finalement retenu, mais les événements de 1940 en empêcheront la réalisation.

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Abri MeA 3 – Plan de la galerie bétonnée projetée

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MeA 3 – Plan de l'entrée double

Le raccordement au réseau électrique a été entrepris car, le long des galeries de l'abri, on peut voir des blochets de bois, scellés dans les parois, destinés au support des câbles électriques.

La mission de l'abri MeA 3 consiste, en ce qui concerne le local aval, à défendre le canal Albert et la bande de terre séparant le canal du fleuve, ainsi que de protéger l'arrière de l'abri MeMo 7.

Quant au local amont, il doit non seulement couvrir le canal, mais aussi l'abri MeA 2.

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Plan de feux de l'abri MeA 3 (ancien abri E)

C'est avec cet abri que se termine le chapitre de la défense du canal Albert dans le secteur de l'Ile Monsin. Pour récapituler, cette défense est assurée par l'abri MeA 1, situé sur la rive gauche du canal et aménagé dans la culée du pont Marexhe. Il comprend quatre chambres de tir disposées deux par deux de chaque côté de cette culée. L'abri MeA 1bis dispose de deux flancs de tir à une embrasure et une embrasure frontale. L'abri MeA 2 est constitué par l'aménagement de trois chambres de tir dans les piliers du pont Milsaucy.

Les deux locaux de l'abri MeA 3 sont créés dans la culée de la rive gauche du pont de Wandre.

Le canal Albert, dans le secteur de l'Ile Monsin, est protégé par le feu de 11 mitrailleuses et 1 F.M.

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Travaux en cours sur l'île.

Construction de l'écluse de Milsaucy vers 1935

L'entrée du canal Albert et le pont Marexhe, pendant l'Exposition de l'Eau en 1939
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Embrasures amont de l'abri MeA 1 du pont Marexhe Embrasures aval de l'abri MeA 1 du pont Marexhe, ainsi que l'issue de secours
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L'embrasure amont de l'abri MeA 1 bis Une dalle "Elkington" type 1709 recouvrant une chambre de connexion (identique à la 1711)
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Une muselière Les deux piliers du pont Milsaucy (abri MeA 2)
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Embrasure du second abri MeA 2 avec son volet d'ouverture Le même abri avec son volet fermé
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Une embrasure du premier abri MeA 2 La culée du pont Milsaucy, côté rive droite du canal. Les trois fourneaux de mines sont visibles
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Vue aérienne en 1979 du canal Albert et du pont Milsaucy. Dans le haut le l'image, l'écluse, et dans le bas, une partie du pont-rails Partie du pont de Wandre enjambant le canal Albert (photo de 1987). Le remorqueur cache la culée abritant MeA 3
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Accès de l'abri MeA 3. La porte est entre les deux roues La culée du pont de Wandre renfermant l'abri MeA 3
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L'embrasure amont de l'abri MeA 3 La chambre de tir aval de l'abri MeA 3 (support de l'affût, étagères, gouttières)

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Dernière mise à jour: 31 mai 2012