Barbara, radio...

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BARBARA, la radio clandestine aux Oflags VII B ET X D

L. Defroyennes

BARBARA est née à la fin de l'année 1940 à Eichstätt en Bavière au bloc IV de l'Oflag VII B.

D'où vient ce nom ? (de B(ritish) B(roadcasting) RA(dio) ?) Nul ne le saura sans doute jamais.

Ce doux nom, particulièrement cher aux prisonniers des Oflags VI B et X D dont il a soutenu le moral durant cinq années de captivité, a matérialisé une idée qui a germé dans le cerveau du commandant Barbieux et du Lt Antoine auxquels s'est rapidement joint le Slt Defroyennes.

Les premiers vagissements de BARBARA se sont manifestés à l'Oflag VII B sous forme de réception d'émissions en provenance de postes allemands sans doute, mais également de postes émetteurs de Suisse Romande et Alémanique. Ces émissions étaient captées sur un poste à galène fonctionnant dans le cabinet de dentisterie du docteur Roty situé au bloc IV. L'antenne était constituée par une sorte de toile métallique qui avait rempli les mêmes fonctions sur un véhicule allemand.

Le poste ainsi que les accessoires dissimulés sous les lames du parquet sur lequel se trouvait le fauteuil du dentiste étaient ressortis pour les écoutes qui ne pouvaient avoir lieu qu'en dehors des prestations du docteur.

Au début, la précarité du matériel tout autant que la limitation des prestations ne permettaient pas d'assurer une écoute continue.

Les promoteurs

Toutefois, la création de ce lien avec le monde libre et la possibilité d'un recours, même fragile, à des sources d'information plus dignes de foi ont constitué un stimulant pour les promoteurs de l'idée, surtout pour le Lt Antoine qui, jusqu'à la libération, a été la cheville ouvrière d'un système d'information dont le développement a été remarquable et la crédibilité jamais prise en défaut.

L'écoute pour les émissions en langue française était assurée par le Lt Antoine et celle en langue allemande et ultérieurement en langue anglaise par le Slt Defroyennes.

Au début, les nouvelles étaient diffusées dans le camp d'une façon anonyme et parfois accueillies avec scepticisme par certains.

Puis, peu à peu, le matériel s'étant amélioré de même que les conditions et possibilités techniques d'écoute, un service plus organisé de diffusion de nouvelles s'est créé dont s'était chargé le Lt Villée. Il s'agissait d'une diffusion de bouche à oreille sans communication de documents écrits.

Le service régulier de BARBARA s'était implanté profondément dans la vie journalière du camp quand une panne malencontreuse la rendit muette durant le week-end de Pentecôte 1942. Elle permit l'éclosion d'un "canard" d'une dimension telle que pour beaucoup la fin de la guerre était proche.

La réapparition de BARBARA quelques jours plus tard coupa définitivement les ailes à ce malencontreux volatile. Cet incident mériterait d'autres développements de la part de ceux qui en ont vécu les péripéties.

A Fischbeck

Le 28 février 1942, les Allemands réunirent les Oflags de Rothenburg, d'Eichstätt et de Juliusburg à l'Oflag X D, à Fischbeck. Ce camp comprenait aux environs de 1.600 officiers et 120 sous-officiers et soldats belges auxquels furent ensuite ajoutés 500 officiers et soldats polonais.

Il comprenait 15 baraques s'étendant sur 3 hectares, soit une densité de population de 60.000 habitants au Km²

Ces nouvelles conditions déterminèrent une mutation naturelle et non concertée de Barbara. Le noyau d'écoute primitif Antoine-Defroyennes auquel s'est ajouté le Lt Fourmarier continue à fonctionner mais dans des conditions différentes.

Ecoute permanente

En effet, l'écoute devient permanente, tant de jour que de nuit. Les écoutes de jour sont assurées par le tandem Antoine-Fourmarier pour celles en français, celles de nuit par l'équipe Antoine-Defroyennes pour celles en français, allemand ou anglais.

Une partie des écoutes de jour avait lieu dans la baraque XIII (celle du Lt Antoine et du Slt Defroyennes), mais le plus souvent dans la bibliothèque où un poste récepteur était dissimulé dans une pile de Moniteurs Belges collés et évidés pour contenir l'appareil.

Les écoutes de nuit avaient lieu dans la baraque XIII, tantôt dans la chambre du Lt Antoine, tantôt dans un petit local vide servant de cuisine collective situé en début de baraque. Ces écoutes étaient assurées par le Lt Antoine pour les émissions en français et le Slt Defroyennes pour les émissions en allemand et en anglais.

La sécurité des écoutes de jour était assurée par une équipe de surveillance extérieure, celle de nuit l'étant selon l'écoute en cours par le Slt Defroyennes ou le Lt Antoine. Dans ce dernier cas, le risque était grand puisque l'écoute se faisait quasi contre la porte d'entrée d'où l'on n'avait aucune vue sur les mouvements de nos gardiens. Heureusement, en dépit de quelques chaudes alertes, aucun événement fâcheux ne fut enregistré.

Le service de surveillance de jour était du ressort du Slt Defroyennes qui ne l'assurait toutefois pas personnellement. A part les opérateurs, lui seul connaissant le lieu de l'écoute à protéger constituait le relais entre les surveillants et le poste d'écoute dont il fallait assurer la sécurité.

La surveillance proprement dite était assurée par des groupes de 2 ou 3 officiers ou soldats qui se choisissaient entre eux et selon leurs possibilités ou affinités personnelles dans un noyau constant de plus ou moins 70 volontaires immuables.

Transmission des nouvelles

Les nouvelles reçues étaient transmises à un centre de rédaction fonctionnant à la baraque XII sous la direction du Lt P. Houzeau de Lehaye. Ce groupe assurait la "mise en page" des nouvelles reçues et la copie en 15 exemplaires du communiqué, à raison de deux communiqués par jour avec "édition" spéciale en cas d'événement important.

La sécurité de l'équipe de rédaction, totalement indépendante de celle d'écoute, était assurée par le Lt Villée qui se chargeait également de l'acheminement des communiqués à raison de un par baraque. Il y était remis à un responsable. Dans chaque baraquement, ce dernier assurait la lecture dans chaque chambre et ensuite la destruction.

A l'issue du regroupement des officiers de réserve à l'Oflag X D qui s'est opéré en juin 1943, s'est adjoint à l'équipe d'écoute le Slt Santerre qui, tout comme le matériel qu'il apportait, s'est intégré dans l'organisation en place.

Le matériel d'écoute de BARBARA s'était rapidement multiplié dans la perspective d'assurer la pérennité de BARBARA, même en cas d'accident. C'est ainsi que BARBARA a disposé de jusque plus de 6 postes : un pour l'équipe extérieure de jour, un caché dans la cloison entre la chambre du Lt Antoine et la chambre voisine, le troisième pour l'écoute de nuit.

Les 3 postes restants étaient tenus en réserve : l'un enterré face à la chambre du Lt Antoine, l'autre face à la chambre du Slt Defroyennes, le troisième était dissimulé dans un espace vide entre la baraque XII et la baraque XIII. Ce dernier poste a été découvert au cours d'une fouille particulièrement sévère.

Tous construits dans le camp

A l'exception d'un poste, celui du Slt Santerre, tous les appareils ont été construits dans le camp par le Lt Antoine et certains de ses camarades.

Il m'est impossible de dire d'où venait ce matériel. Certaines pièces étaient construites sur place et d'autres "importées". Comment ? Par qui ? Je ne puis le dire car, au sein de Barbara, on évitait les questions afin que, le cas échéant, on n'ait pas à dévoiler les réponses à ceux qui avaient le plus vif désir de les connaître, c'est-à-dire nos gardiens.

Dès l'arrivée à l'Oflag X D, s'est posée la question de l'alimentation en courant électrique, en vue d'assurer la permanence et la sécurité des écoutes.

En effet, dans le cas le plus favorable, c'est-à-dire l'hiver, la lumière n'était donnée qu'à partir de 16.30 Hr et supprimée à 21 Hr. De plus, durant les alertes, et elles furent nombreuses, quasi journalières, le courant des baraques était coupé. Toutefois, le courant n'était pas interrompu dans le local du casernement sous "obédience" allemande. Dans ce magasin, outre la canalisation électrique, passaient également les circuits commandant les hauts parleurs installés dans chaque baraque pour annoncer les succès militaires du Grand Reich. Ce magasin était occupé par les Allemands avec toutefois une interruption d'occupation journalière de 12 à 14 Hr.

Profitant de ces circonstances, le Lt Antoine accompagné de quelques volontaires compétents, après que le haut parleur de la baraque XII eut été débranché, a connecté le circuit de ce haut parleur sur le courant électrique du magasin. De cette façon, l'alimentation en courant était assurée quelles que soient les circonstances, c'est-à-dire même au cours des bombardements. Cette solution était toutefois tributaire de l'enlèvement des fusibles de la baraque XIII, faute de quoi l'ensemble du camp restait sous tension et les baraques illuminées par l'intermédiaire du circuit de la baraque XIII en dépit du fait que le courant eut été coupé par nos gardiens. Cela s'est produit une fois pour le plus grand ébahissement de ces derniers.

Le 15 mai 1945, le camp a été évacué vers Lübeck. En prévision de cet événement, et dès février, le Lt Antoine, le Slt Defroyennes et 5 de leurs camarades avaient décidé de ne pas se joindre à l'opération. A cette fin, une cachette susceptible d'abriter 5 personnes a été creusée sous la chambre du Slt Defroyennes. Cette cachette a été occupée le 15 mai 1945 par, outre le Lt Antoine et 1e Slt Defroyennes, par le Lt Leclercq, le Slt Gasch et le soldat Bardiaux. L'écoute a continué sans manifestation extérieure jusqu'au 17 avril.

Reprise de BARBARA

Le 17 avril, le service de BARBARA a repris avec le noyau de récalcitrants. Il se trouvait installé dans les cachots et la publication du bulletin de nouvelles a repris au bénéfice de la centaine de malades intransportables et autres qui étaient restés au camp.

Par la suite, le Lt Antoine a "réquisitionné" le poste de radio du commandant du camp. Branché sur les hauts parleurs du camp et tant en français qu'en allemand et en anglais et à longueur de journée, il a permis la diffusion directe des nouvelles de la B.B.C., tant à l'intention des officiers et soldats belges et français qui s'y étaient réfugiés que des plus ou moins 2.000 personnes déplacées qui occupaient le camp.

Le camp évacué s'est rendu par étapes successives vers Lübeck et le service de Barbara a continué à être assuré par les collaborateurs habituels à l'exception de ceux restés à Fischbeck.

Le 25 avril 1945, les militaires de l'Oflag X D ont été évacués par un détachement blindé anglais.

Ainsi a pris fin l'aventure de BARBARA qui aura vécu près de 5 ans et s'est terminée dans l'euphorie de la victoire.

Sans aucun doute la présente relation comporte des lacunes, des imprécisions et même peut-être des oublis involontaires qu'il faut excuser. En effet, elle n'est que la concrétisation de souvenirs qui ne peuvent faire référence à aucun document écrit qui n'ont jamais existé pour des raisons de sécurité bien compréhensibles.

BARBARA est un magnifique exemple de ce que peut l'esprit d'initiative et de débrouillardise. Au travers de solutions pragmatiques, sans concertation préalable, s'est échafaudé un système articulé sur des cellules de collaboration étanches permettant une efficacité maximum avec un minimum de risques : matériel, écoute, surveillance et protection, rédaction et diffusion.

Enfin et pour terminer, il faut signaler que rien n'aurait pu être réalisé sans les complicités fragmentaires ou ponctuelles des officiers, sous-officiers et soldats du camp, qui n'ont jamais refusé leur concours chaque fois qu'il leur a été demandé.

Note de la rédaction.

Lorsque nous avons écrit à Monsieur Defroyennes pour solliciter l'autorisation de reproduire son texte, qui avait paru dans le journal "Le Prisonnier de Guerre" de septembre 1986, il nous a fort aimablement donné le feu vert et a ajouté les informations suivantes qui répondent à la question : comment un prisonnier pouvait-il circuler relativement facilement dans un Oflag ?

"Pour votre information, je dois vous signaler que j'avais personnellement adopté deux activités de couverture destinées à me "dédouaner" aux yeux des Allemands et les conforter dans le sentiment que je n'étais pas dangereux.

1. Je m'étais instauré distributeur de créoline pour ma baraque. Cette créoline destinée à lutter contre l'invasion de puces et de punaises dont nous étions victimes me donnait la possibilité de déambuler dans le camp, sans éveiller l'attention des gardiens, muni d'un récipient susceptible d'assurer un transport beaucoup moins innocent que celui de la créoline.

De plus comme le ravitaillement en créoline se faisait dans un local (le magasin), ma présence y était tout indiquée et particulièrement utile en cas de branchement électricité/radio auquel il est fait allusion dans l'article sur Barbara. Une telle activité me donnait de plus une liberté totale de déplacement dans le camp en n'éveillant aucune suspicion.

2. Je fonctionnais également comme moniteur de jiu-jitsu en compagnie de camarades désirant pratiquer ce sport. Le local destiné à ces "ébats" était voisin de celui où se pratiquait l'écoute de jour (pour laquelle ma présence n'était pas requise - émission française).

De cette façon, je disposais d'un point de rencontre pour les guetteurs qui pouvaient me toucher sans difficulté et sans éveiller, par leurs allées et venues, l'attention des gardiens.

D'autre part, nos exercices, les bruits et autres manifestations dont volontairement nous les accompagnions, en cas d'irruption allemande dans la baraque, permettait de détourner et de cristalliser l'attention des intrus, laissant à l'équipe d'écoute le temps de mettre fin à leur activité et d'en effacer toute trace. Cela s'est produit à plusieurs reprises, prouvant que le système était efficace."

L. Defroyennes, le 01/07/92

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Les postes de radio et leur constructeur

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L'écoute avec le poste dans la cloison

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Une équipe à l'écoute

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Le service de rédaction au travail

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L'estafette bien connue et toujours attendue

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Enfin le moment palpitant où les nouvelles sont arrivées

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Dernière mise à jour: 16 décembre 2011