Ville Quesnoy

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VISITE DE LA VILLE DU QUESNOY.

André PIRMEZ

Le samedi 9 avril 1988 était organisée une visite guidée des fortifications de la ville du Quesnoy (France, département du Nord, à 17 kilomètres au Sud-Est de Valenciennes) au profit du C.L.H.A.M. et de la Société Royale d'Histoire et d'Archéologie de Tournai. Une trentaine de membres des deux sociétés y participèrent sous la conduite éclairée de Monsieur André Honorez du Cercle Historique Quercitain.

Après les présentations d'usage, le guide amena les visiteurs au siège du Cercle où il exposa avec brio l'évolution au cours des temps de la fortification du Quesnoy, en s'aidant d'une très belle maquette à l'échelle, fruit d'un travail patient et minutieux dirigé par Monsieur Bernard Debrabant, président du Cercle.

Aux yeux de l'amateur d'archéologie militaire, Le Quesnoy possède le rare avantage d'avoir conservé pratiquement intact l'ensemble de son système de défense tel qu'il apparaissait à la fin du siècle dernier. Le déclassement de la ville en tant que place de guerre en 1867, puis comme fort d'arrêt en 1901, n'a pas été suivi de son démantèlement, contrairement à la plupart des anciennes places fortifiées de France et surtout de Belgique.

Dès sa fondation par le comte de Hainaut au XIIe siècle, la ville se trouva déjà entourée de l'enceinte classique de l'époque : un mur flanqué de tours et unfossé.

Au XVIe siècle, lorsqu'elle passa sous la domination espagnole, sa position géographique proche de la frontière avec la France lui conféra un rôle stratégique dont l'importance n'échappa pas à Charles Quint. L'empereur fit renforcer et surtout moderniser les défenses du Quesnoy par la construction de remparts et de bastions. Au siècle suivant, il ajouta vers l'extérieur des ouvrages en terre destinés à mettre la ville à l'abri de l'artillerie.

C'est dans cet état que Turenne trouva la place du Quesnoy lorsqu'il s'en empara sans coup férir, le 6 septembre 1654, au profit de Louis XIV. La paix des Pyrénées, en 1659, en fit une ville française.

Quelques années plus tard, le tandem Louvois-Vauban se mit à l'oeuvre pour mettre les fortifications du Quesnoy au goût du jour. Vauban, au début de sa carrière de bâtisseur, s'inspira déjà ici du principe directeur dont il ne se départira jamais dans la suite : utiliser en les améliorant les constructions existantes tout en exploitant au mieux les ressources du terrain.

En six années, de 1668 à 1673, il fit agrandir trois anciens bastions espagnols dont il garda les orillons et les flancs concaves (les bastions Impérial, Soyer et César) et en construisit quatre nouveaux selon son tracé rectiligne habituel (les bastions Royal, Saint-Martin, du Gard et du Shâteau). Seul le bastion Vert ou Forest fut gardé intact, du moins jusqu'au XVIIIe siècle. La place du Quesnoy acquit ainsi la forme d'un vaste octogone irrégulier d'environ 3.500 mètres de périmètre, flanqué de huit bastions que l'on peut toujours admirer aujourd'hui. Admirer est en effet le terme qui convient quand on songe à la maîtrise de leur art qu'il fallut aux maçons de l'époque pour combiner et ajuster entre eux l'arrondi des orillons, la concavité des flancs et le fruit de la muraille.

Les dehors aussi furent modernisés. Nous remarquons une tenaille bien conservée, la seule construite au Quesnoy, entre les bastions du Gard et Saint-Martin, qui protégeait la poterne et les moulins à eau que Vauban aménagea à cet endroit. De là, nous nous dirigeons vers la tour moyenâgeuse de Bauduin l'Edifieur, l'un des plus anciens ouvrages de la place. Située aujourd'hui au saillant de la demi-lune des Suisses, elle renferme une salle souterraine capable d'abriter une cinquantaine d'hommes. Dans le fossé redessiné de façon géométrique, une série de batardeaux munis d'éclusettes permirent d'en contrôler l'inondation grâce à l'apport d'eau provenant de deux étangs situés au faubourg de Fauroeulx, eux-mêmes alimentés à partir de la forêt de Mormal toute proche.

Dans la partie non inondable, au Nord de la place, il fit construire quelques galeries de contremine, en s'inspirant peut-être du système créé à Tournai par Jean de Mesgrigny, véritable expert en la matière (1).

(1) En plus de leurs relations professionnelles, des liens d'amitié unissaient Vauban et son adjoint Jean de Mesgrigny qui travaillait alors à la transformation de la place de Tournai. Ce dernier était parrain de la fille de Vauban, Jeanne-Françoise. Plus tard, Vauban vint à Tournai au baptême de son filleul Sébastien, fils de l'ingénieur Vincent de Saccardi, directeur des fortifications de Landrecies. La marraine était Madame de Mesgrigny. La cérémonie se passait en l'église Saint-Piat de Tournai, le 15 octobre 1682.

Les XVIIIe et XIXe siècles ne firent au fond que compléter l'oeuvre du grand ingénieur. Il serait fort long de détailler ici tous les travaux qui furent entrepris durant cette période, mais il faut tout de même en signaler quelques-uns des plus significatifs. L'ouvrage à cornes de Fauroeulx par exemple, construit au XVIIIe siècle qui couvrait tout le Sud-Est de la ville, remarquable par sa forme et ses dimensions. La survivance, de nos jours, des ouvrages à cornes est exceptionnelle car l'entrave qu'ils constituaient à l'accroissement des anciennes villes fortifiées après leur déclassement entraîna presque partout leur disparition. D'où l'intérêt accru de la présence d'un tel ouvrage au Quesnoy.

Difficile aussi de passer sous silence l'hôpital de siège aménagé au XVIIIe siècle dans quatre casemates du bastion Vert. Pouvant à l'époque accueillir trois cents malades ou sept cents hommes, il recevait air et lumière indirectement à partir de la surface et par les minces embrasures pratiquées dans l'épaisse muraille. C'est dire les conditions épouvantables d'hygiène qui devaient y régner.

Autre curiosité que notre guide fit découvrir : un poste de télégraphie optique installé dans le cavalier du bastion César, le point le plus haut de la place. Erigé vers les années 1880, il se présente sous la forme d'une petite salle circulaire, voûtée en cul-de-four, comportant trois gaines de visée aujourd'hui bouchées à leur extrémité. Ces gaines permettaient en principe de correspondre à distance avec les places fortes de Cambrai, Douai et Valenciennes, pour cette dernière via le fort de Curgies (toujours existant mais non visitable). Pour émettre des signaux, on utilisait soit l'éclat du soleil, aléatoire dans cette région du Nord, soit la lumière artificielle (gaz, flambeaux, électricité). Au sommet de la salle : deux cheminées. L'une canalisait la lumière solaire, l'autre évacuait les fumées et gaz émanant des sources lumineuses artificielles. La fiabilité limitée du système, grandement tributaire des conditions météorologiques, l'amena à être assez rapidement dépassé par d'autres plus techniquement élaborés.

Pour rester dans le domaine des télécommunications, on retiendra que ce fut du Quesnoy qu'était partie la première dépêche officielle transmise au moyen du télégraphe à bras articulés Chappe. Elle annonçait la reprise de la ville en 1794 (1).

(1) Une reconstitution de cet appareil est visible au musée des télécommunications     à Marcq-en-Baroeul, près de Lille. Pour les amateurs éventuels, signalons une autre reconstitution remarquable d'un poste Chappe à proximité du Château du Haut-Barr, dans le département du Bas-Rhin.

Au cours de la promenade le long des fortifications, nous eûmes la surprise de découvrir un épisode insolite de l'histoire du Quesnoy : la reprise de la ville par les troupes néo-zélandaises le 4 novembre 1918. Les soldats débouchèrent dans la cité occupée par les troupes allemandes en escaladant le mur d'escarpe, haut de dix mètres, au moyen d'échelles, comme au Moyen Age. Les Allemands déguerpirent peu après. A l'endroit même où se déroula cet exploit peu banal, un bas-relief apposé sur le mur de la courtine et une porte d'honneur percée après la Grande Guerre dans le bastion du Gard commémorent l'action héroïque de ces hommes.

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Schéma établi d'après les comptes-rendus des études faites sur la carte par les chefs du Génie de Valenciennes et de Cambrai le 17 mai 1878

 - - - - - - Commmications visuelles impossibles

______ Communications visuelles probables

 Il est difficile, dans les limites de ce modeste article, de faire découvrir tout ce que la ville du Quesnoy peut offrir dans le domaine de l'architecture militaire, celle-ci étant un véritable musée de la fortification en grandeur nature. Comme beaucoup de grands ensembles monumentaux, elle demande plusieurs visites avant que l'on puisse en saisir et apprécier tous les aspects. Il convient aussi de signaler que les responsables locaux s'efforcent de rendre la visite des sites aussi aisée et agréable que possible, par la création notamment de sentiers balisés qui respectent           l'aspect et l'atmosphère d'origine. Dans ce domaine, il faut savoir garder un juste milieu. Le Quesnoy y est parvenue.

Aux personnes désireuses d'approfondir leurs connaissances sur l'oeuvre de Vauban au Quesnoy, nous conseillons la lecture de l'ouvrage de Bernard Debrabant, édité par le Cercle Historique Quercitain "La fortification du Quesnoy au XVIIe siècle", principale source d'information de cet article.

Adresse utile : S.I.T.O.A. (Syndicat Intercommunal de Tourisme de l'Ouest Avesnois), Hôtel de Ville, 59530 Le Quesnoy (Tf : 27.49.12.16)

Sont remerciés pour leur aide et/ou les renseignements fournis :

Messieurs S. Debrabant et A. Honorez du Quesnoy,

Monsieur P. Bouillet de Tournai.

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Télégraphe optique, vue intérieure - la gaine gauche, plus élévée d'un mètre, regarde vers Cambrai, celle du milieu, vers Douai, celle de droite, vers Valenciennes, via le fort de Curgies

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Bastion Impérial agrandi par Vauban - flanc droit concave, orillon, face droite

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Bastion Saint-Martin construit par Vauban - face gauche - à droite, la tenaille

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Bastion César agrandi par Vauban - face, orillon, flanc gauche concave. Dans le cavalier est installé un poste de télégraphie optique (XIXe S.)

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Bastion Saint-Martin construit par Vauban - face et flanc gauche, extrémité droite de la tenaille

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Etang du Pont Rouge - branche droite de l'ouvrage à cornes de Fauroeulx

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La porte Fauroeulx

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Monument aux Néo-Zélandais (sculpteur valenciennois Desruelles). Inscription : "En l'honneur des hommes de la Nouvelle-Zélande grâce à la valeur desquels la ville de Le Quesnoy fut rendue à la France, le 4 novembre 1918"

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Dernière modification :
31 mai 2008